Mon histoire d'amour avec l'Espagne

Confidences de Anne Marie Marty, née Authié, institutrice retraitée, qui décrit dans ce texte émouvant les souvenirs du passé de l’Espagne.

L’article de Marie Laïlle paru dans le journal « Le Patriote » m’a incité à vous relater l’exode des enfants espagnols en 1939.

C’était l’année de mes 18 ans. Un jour, mon père, Victorin, me dit : « Il y a des enfants espagnols qui arrivent ce soir à Lavelanet. Nous irons en chercher un ».

Le soir, à la Maison du Peuple, quel spectacle !

Les enfants, qui avaient voyagé entassés dans des camions, étaient assis sur des bancs, apeurés, épuisés, hébétés, regardant avec effroi ces inconnus qui venaient s’emparer d’eux.

Le regard d’une petite fille de dix ans s’était accroché au mien. C’est elle que nous avons ramené à la maison. Avec Manola (c’était son nom), la symbiose a été entière et instantanée. C’était « la fille de la maison ». Nous l’avons gardée pendant un an.

Heureusement, ils étaient quatre de la même famille placés à Lavelanet : Conchita, Manola, Balbina et Rafael, ce qui nous a permis de les réunir assez souvent. Manola est allée à l’école et a appris à parler et lire le français. Moi-même j’avais appris l’espagnol au Cours Complémentaire, ce qui a bien arrangé nos rapports dès le début.

Mais le temps de la séparation est arrivé. L’Espagne a récupéré ses enfants. « Papa, maman », comme Manola appelait mes parents, ont eu le cœur déchiré. Et moi donc !

Mais notre histoire a eu une suite heureuse.

Vingt ans plus tard, Manola, mariée à Madrid et mère de famille, a voulu revenir dans ce pays si cher à son cœur. Elle y a amené Domingo son mari, et leurs quatre enfants, ils se sont bien intégrés chez nous, ils ont travaillé, elle et son mari, dans l’entreprise Roudière, pendant plus de quinze ans. Une de leurs filles, Hélène, s’est mariée près de chez nous. Elle aussi, chez moi, reste « la fille de la maison », les autres vivent en Espagne.

Les années ont passé. Manola et son mari sont décédés, Conchita aussi. Balbina et Rafael résident en Espagne. Mais les ponts ne sont pas coupés : mon histoire d’amour avec l’Espagne ne s’éteindra qu’avec moi.

Et je signe : Annette – 09600 – Le Peyrat

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